Our Solitudes - Presse
Julie Nioche received the Jury’s price 2010 from the Syndicat professionnel de la critique de Théâtre Musique et Danse for the show Nos solitudes
Le spectacle du mois - Julie Nioche, hôte de l’air - par Sabrina Weldman
English version soon..
Interstices entre poids du corps et choc des personnes - par Gérard Mayen
bi-portrait Jean-Yves de Michaël Phelippeau et Nos solitudes de Julie Nioche explorent des zones troubles de la danse. Tandis que le premier tisse une nouvelle relation à l’autre, la seconde transcende les lois de la gravitation.
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Quand, presque à l’inverse, Julie Nioche signe son solo Nos solitudes, ce titre n’obère cependant rien de l’envol de nos perspectives. Du reste, il faudrait d’emblée nuancer la notion de solo, tant la présence physique sur le plateau du musicien Alexandre Meyer, et sa production, oeuvrent dans le régime d’une pleine interaction des propos. Et tout à la fin, son intervention directe sur un élément de scénographie a les effets d’un cataclysme conclusif. Dans ses pièces précédentes, Julie Nioche avait beaucoup usé de prothèses pour donner forme tangible aux notions d’image de soi, à l’exploration des codes de représentation dans la construction des modes de présence au monde. Les théories de la performance des genres n’étaient jamais très éloignées. A cet égard, le parti scénique de Nos solitudes peut apparaître à la fois plus modeste et pourtant plus vertigineusement radical.
L’artiste arrime son corps à des filins, qui lui permettent de se suspendre dans l’espace. Formulée en ces termes, la description de son dispositif pourrait donc sembler dépouillée du souci de mise en perspective critique de la construction des corporéités. On croirait s’approcher de techniques spectaculaires du cirque.
Il faut alors y regarder à deux fois. Se rendre compte, avec perplexité, que les filins qui supportent la performeuse ne sont reliés à aucune machinerie susceptible d’impulser ses
mouvements d’élévation ou de descente. Son poids est juste compensé par la suspension dans les airs, entre sol et plafond, de plusieurs dizaines de poids métalliques habituellement utilisés pour la pesée à l’aide de balances à l’ancienne.
Jusqu’à Nos solitudes, on pouvait penser que notre corps se soldait dans un poids, ayant valeur de donnée constante irréfutable. Certes. Et que donc, une fois suspendu, si le cas s’en présentait, ce corps à poids constant n’avait plus raison ni moyen de bouger. Or Julie Nioche se suspend. Et ne cesse de se mouvoir. Par ses propres impulsions, subtilement modulées, maîtrisées, elle génère les énergies nécessaires, en somme supplémentaires au poids, qui vont lui permettre de se hisser, de se hausser, d’évoluer, se mouvoir, se lover, baigner, léviter, onduler, s’enfoncer, s’éployer.
Nous ne sommes pas un corps qui a son poids. Nous sommes un dispositif de circulation d’intentions et de forces, de réception et de réaction, d’impressions et d’inductions. Et seul un ordre de la représentation nous interdirait de voler. Littéralement, c’est dans son propre corps d’artiste en état de projection poétique, dans con corps d’ostéopathe aussi, féru de savoirs somatiques alternatifs, vibrant au plus fin des écoutes intérieures, que Julie Nioche puise les ressorts de son envol.
Sur la musique de Meyer, au coeur du dispositif plastique des poids suspendus et de traits lumineux incisifs, l’artiste compose une patiente danse hors-sol, confiante en l’aléa, parfois rebelle dans sa prise avec la matière-espace, non sans que rode une hypothèse du risque, et se produise au total un genre d’effondrement comme de fin d’un monde. Et c’est au sol, où tout un chacun se pense bêtement le mieux protégé, qu’elle paraît comme cernée, débordée. Nos solitudes transcende les lois contraintes de la gravitation physique. Son titre en repli nous invite au défi d’une sorte de révolution cosmique, à portée de chacun.
bi-portrait Jean-Yves de Michaël Phelippeau était donné du 10 au 13 février au Théâtre de
la Bastille, à Paris, dans le cadre de Hors-Série.
Nos solitudes, de Julie Nioche, a été créé le 13 février à la Ferme du Buisson (Marne-la-
Vallée), dans le cadre des Hors-Saison, programmé par Arcadi Ile-de-France.
Gérard MAYEN rédacteur
Celle qui est également capable de monter des performances collectives pour 50 participants trouve toujours dans ses solos la matière première de son écriture, le socle infaillible de ses recherches. Nos Solitudes, pièce bien nommée, pose solidement les bases d'une recherche sur le rapport du corps à la gravité. Exit la danse en apesanteur, la danse escalade, l'envol acrobatique.... Ici c'est un audacieux système de poids et de contrepoids qui propose une autre résolution, une autre échappée libre vers l'impossible suspension.