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La Sisyphe

Conception Julie Nioche

CREATION 2003
RECREATION 2006

Conception et interprétation Julie Nioche
En collaboration avec Solenn Camus, Sylvain Giraudeau, Rachid Ouramdane, Hervé Thoby
Musique « The End » par Nico et « The End » par The Doors
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L’opportunité de reprendre Les Sisyphe trois ans après sa création a provoqué en moi la nécessité de radicaliser cette pièce. Ce projet est né d’une réflexion sur les activités « improductives et inutiles » au sens où la société moderne l’entend.

Les Sisyphe réunissait deux personnages solitaires qui avaient chacun choisi un moyen pour donner corps à un mouvement sans fin, dans un enchaînement d’activités de pure dépense, sans indemnité. Ils étaient motivés par le seul désir d’éprouver la réalité de leur présence éphémère et charnelle.

Dans cette nouvelle version, je me suis appropriée les deux rôles : le masculin et le féminin.
L’expérience des métamorphoses provoquées par l’épuisement est une épreuve solitaire qui permet de vérifier ses propres limites. Toutes ces activités qui ne produisent que de la perte représentent et transpirent tout ce qu’il y a de plus humain en chacun de nous.
Courir à sa perte.

Julie Nioche

Partenaires

Production
Association fin novembre

Production déléguée
A.I.M.E. – Association d’Individus en Mouvements Engagés

Coproduction
Création en résidence Le Quartz, Scène nationale de Brest
Le Manège, Scène nationale de Reims
Centre Pompidou - Les Spectacles Vivants

Le Projet Sisyphe - par Enora Rivère - août 2007

Histoires de projets
La Sisyphe est dans sa première forme un diptyque, conçu en 2003, constitué de deux soli dansés par un homme et une femme, comme deux propositions d’épreuves de la solitude face à la pure dépense performative régie par l’exécution d’une seule et même tâche.
La Sisyphe donc et non Sisyphe du nom du personnage mythique* , comme un nom commun, une désacralisation, une simple figure de démonstration, un pronom personnel que chacun peut s’approprier où dans lequel chacun peut se projeter.
Puis La Sisyphe se transforme en Les Sisyphe au singulier comme la démultiplication d’une seule et même figure singulière : une performance réalisée par un groupe d’adolescents dont le support est la partition de sauts de Julie Nioche extraite du projet initial, et ce sur l’intégralité d’une version de la musique « The End » des Doors d’une durée de 20 minutes.

Du saut
l’on garde souvent la projection et l’élévation, c’est à dire le moment où l’on quitte le sol, et non sa réception, sa chute, son inéluctable retour au sol, comme pour en préserver l’illusion, le phantasme d’une suspension dans le temps et dans l’espace. Et c’est ce qui en fait probablement sa gravité, son irrévocabilité. On aura beau sauter de toutes ses forces, avec toute sa détermination et sa volonté, on retrouvera toujours le sol, la terre, en somme notre condition humaine. Il y a dans le saut quelque chose de terriblement, mortellement vivant, au point d’y laisser sa peau, sa vie, comme dans la locution faire le (grand) saut. Et c’est cette condition grave, irrévocable du saut, en dépit de l’apparente simplicité de son exécution, que l’on retrouve dans les significations de cette même expression. Faire le saut renvoie tout autant à la pendaison, la destruction brutale, la banqueroute, la perte de sa virginité, etc.
Dès lors que ce mot est employé dans le champ de la danse, l’on est très vite rattrapé par l’imagerie de la danse classique, la légèreté auquel il renvoie, la sensation de suspension dans l’air, une certaine dignité à l’œuvre. L’histoire de la danse, principalement classique, a fabriqué des sauts mythiques et donc des danseurs mythiques et donc des mythes, des allégories, des images.
Pour La Sisyphe ou Les Sisyphe, il n’en est rien. Ici, le saut se pratique sur place, seul ou en groupe et ressemble davantage à l’exacerbation d’un transfert de poids qui finit par décoller le corps du sol plutôt qu’à une figure de danse codifiée. Ici, on saute pour sauter, selon différents registres, jusqu’à l’épuisement pendant 20 minutes et on relève ce défi.

De l’apparente absurdité d’un défi

La force de ce projet réside dans la simplicité de sa proposition (relever un défi) et la difficulté de son exécution (sauter pendant 20 minutes sans s’arrêter). L’apparente absurdité de la situation, c’est à dire celle d’accepter en quelque sorte de courir à sa perte, convoque un dépassement de soi, la nécessité d’un lâcher prise. L’intérêt alors se situe dans la façon dont chacun porte ce défi tout au long de la performance et les transformations opérées par l’exécution de cette tâche répétitive. On assiste alors à la négociation que chaque sauteur engage avec lui-même. La durée de l’acte est suffisamment long pour qu’on circule d’une personne à une autre et qu’on soit témoin de l’évolution des états, des postures, la métamorphose des visages qui peut aller d’une certaine placidité à la lutte en passant par la jubilation.
Ce qui, au-delà du défi, fait tenir jusqu’au bout, c’est l’adresse : un regard dirigé face au public permettant d’assumer, d’affirmer l’absurdité, l’improductivité de son acte. Le performer met alors au défi le spectateur, l’oblige par ce regard à consentir à leur condition commune. On est tous seul mais relié ou lié puisque soumis à la même condition : c’est ce que nous dit ce regard qui par sa projection est un appui, un support face à l’effort. Il n’y a pas d’interaction entre les différents membres du groupe mais tous sont face au public et portés par la même musique « The End » des Doors.

Un atelier
Si l’acte de sauter 20 minutes sans interruption est réalisable par tous, il nécessite cependant une préparation. En collaboration étroite avec la kinésithérapeute et praticienne Feldenkrais Gabrielle Mallet, des ateliers sont proposés pour apporter des outils cognitifs simples et efficaces. Contrairement aux attentes, aux idées préconçues selon lesquelles l’acte de sauter pendant 20 minutes nécessiterait une préparation toute aussi performative, physique, un long échauffement musculaire de type sportif, l’atelier décline des exercices, des expérimentations seul ou en groupe basés sur la proprioception, l’imaginaire, le rapport à l’espace et aux autres. Il s’agit en effet d’apprendre à développer une conscience de soi via le travail des sensations afin d’acquérir des stratégies personnelles permettant notamment de déjouer la douleur, la fatigue et de pouvoir osciller entre une économie de l’effort et une véritable dépense. Après la réalisation de la partition de sauts, des exercices d’étirement et de détente sont proposés pour que le corps récupère d’un point de vue musculaire et énergétique. Ainsi l’atelier dans son intégralité est pensé à la fois comme un accompagnement et un espace d’apprentissage et d’autonomie.

*Sisyphe, que les dieux avaient condamné à rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait par son propre poids et ce pour leur avoir livré des secrets.

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© Youichi Tsukada - Dance Triennale Tokyo 2006 © Youichi Tsukada - Dance Triennale Tokyo 2006